Quelle école en 2030 ?

Le 9 octobre 2014, WISE, le forum mondial sur l’innovation en éducation, qui regroupe 645 experts mondiaux, a publié un rapport sur ce que sera l’école en 2030. Sa conclusion va dans le sens d’un bouleversement du système éducatif. Les écoles, de quelque niveau que ce soit, vont être confrontées à de « redoutables défis » pour « vaincre les résistances culturelles ».

L’école change, l’école doit changer. Les données de base ne sont plus celles des siècles passés. Les enfants, dès leur plus jeune âge, disposent de moyens d’information que même leurs parents ne maîtrisent pas –encore ! Ils manient avec brio des instruments électroniques déroutants. L’accès aux téléphones, aux tablettes, aux portables, fait partie des mœurs de notre époque. Les nouvelles technologies vont bouleverser notre approche de l’enseignement. Les leçons seront-elles données comme « dans le temps » ?

Avec un enseignant devant la classe qui déclame son cours ? Les livres existeront-ils encore ? Des profusions de papier dans des classeurs voués à la poubelle ? L’école aura-t-elle encore pour vocation de formater des élèves réceptifs aux valeurs de l’Etat ? Les notes reflèteront-elles les compétences réelles de l’enfant ?

Le questionnement est embarrassant à ce jour. La dichotomie entre l’école et les réalités des exigences de la vie quotidienne incite à la réflexion. L’instruction publique répond-elle aux données de base de notre société ?

Toutes ces questions posent le problème de ce que sera l’école du XXIème siècle. Si notre société, en Suisse et en Occident, ne se pose pas ces questions aujourd’hui, immense est le risque d’un décalage entre une génération aux prises à un nouveau type de fonctionnement, virtualisé et individualisé, et un système formatif dépassé, d’un autre temps. Les valeurs de l’école ne seront plus les mêmes à l’avenir. Le sociologue Bourdieu, dans les années 80, avait défini les dogmes d’une école égalitaire, républicaine, laïque. Sa volonté était de maintenir une structure figée sur un enseignement général, ouvert à tous. En sera-t-il encore de même demain ?

Le rapport WISE affirme que, en 2030, les élèves apprendront d’abord en ligne, puis en classe, finalement à la maison. En clair, cela signifie que les moyens d’apprentissage seront en priorité virtuels, les leçons passeront en deuxième position. Les sources d’information ne seront plus la classe traditionnelle, mais plutôt les moyens individuels des élèves. Quant aux compétences, l’accent devra être mis d’abord sur les compétences personnelles, ensuite sur le savoir-faire et finalement sur le savoir scolaire ou académique. Ici il faut comprendre que l’école tiendra compte davantage des potentiels individuels des élèves au détriment d’un programme officiel régi par des standards définis par l’instruction publique. Le savoir proprement dit est voué à une position tertiaire.

Le rôle de l’enseignant sera aussi revu et adapté. 73% des experts de WISE estiment que l’enseignant deviendra un guide et un mentor pour l’élève. L’un d’eux décrit que « l’école fonctionnera bientôt comme une bibliothèque. « Or, dit-il, un bibliothécaire n’est pas forcément un expert du contenu de chaque livre. En revanche, il est capable de dire où sont les contenus. » Selon lui, les enseignants seront des « facilitateurs d’apprentissage ».

Le même pourcentage des experts évalue que les apprentissages seront de moins en moins standardisés, de plus en plus individualisés.

Au regard de ce rapport, une évidence saute aux yeux : l’école se dirige de plus en plus vers une individualisation de la formation, et cela dès le plus jeune âge. Cette appréciation ne tombe pas du hasard et ne surprend pas. Notre société, pour globale qu’elle soit, suit ou subit une individualisation, inévitable sans doute. L’enseignant n’a plus à faire à une classe, mais à des individus, où les classes sociales sont plus marquées, où les origines diverses peuvent poser problèmes, où la sociabilisation est différente.

Aujourd’hui se pose la question de savoir si les enseignants, ou les futurs enseignants, sont ou seront formés aux nouvelles données de notre société. Lors de débats au sein de la Commission interparlementaire HEP-BEJUNE, nous avions été surpris que les responsables de cette haute école ne fussent pas au courant de la valeur des conclusions du rapport WISE. Les fréquents changements opérés à la direction de la HEP-BEJUNE n’ont sans doute pas permis de considérer l’étendue de la problématique de la formation des futurs enseignants. L’école change, les enseignants sont-ils prêts à affronter ce changement, avec les données de la société du XXIème siècle ? Nous interviendrons prochainement au Parlement jurassien sur ce sujet combien décisif pour la formation de nos enfants.

 

Jean-Daniel Tschan
Député PCSI
Le Noirmont

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